* Samedi
20 janvier au matin *
J’ai dormi royalement 1h sur
toute la nuit… j’ai mal partout, des nausées… mais qu’est-ce que c’est que ce
truc ? un faux travail ? le début du vrai ? C’est pourtant BB2
mais je ne comprends plus rien et mes points de repère partent en vrille les
uns derrière les autres…
10h du
mat’… j’ai mal de tête… Je commence à
avoir peur car je suis sous traitement hypertension et c’est l’un des signes à
surveiller et cause de départ pour la maternité… J’attends un peu, je passe
sous la douche… en sortant toujours les mêmes douleurs… je n’ose pas le bain…
j’ai déjà perdu le bouchon muqueux, mercredi dernier mon col était déjà largement modifié… trop peur de perdre les
eaux dans le bain…
11h- je ne supporte d’être assise, je supporte très difficilement
d’être allongée et dès que je suis a peu près installée… mes envies de pipi
reprennent !!!
Je
n’arrive plus à me rassurer toute seule…
12h30- mon mari fait manger Margaux… il est adorable ! il s’est
occupé de tout et me propose de passer à table… beurk… rien qu’à cette idée,
j’ai envie de vomir…
Non, je
ne veux rien ! Là, lui commence à se poser des questions, moi, refuser de
manger ? Là , quelque chose se prépare !!!
13h- Je les rejoins dans la cuisine. Je tente de m’asseoir… au bout de
5mn, je fonds en larme… je n’en peux plus : fatigue, stress, douleurs, …
je ne sais plus quoi faire de moi… Mon mari me propose d’aller vérifier mon
état à la maternité… j’ai des scrupules, je pense à un faux travail. Je ne vais
quand même pas aller les ennuyer à la maternité alors que je ne ressens pas de
contractions douloureuses. Oui, elles sont rapprochées entre 8 et12mn… mais
l’intensité augmente puis semble diminuer
Mon mari appelle ses parents
pour garder Margaux pendant le temps de l’auscultation à la maternité … Il
charge les bagages dans la voiture… On file… Je me sens bizarre… pas sur le
point d’accoucher… mais vraiment pas en forme…
14h- Arrivée à la
maternité ! Attente de 5mn… la sage-femme me demande de lui décrire ce que
je ressens. Je commence par lui dire que « je viens consulter par sécurité
car sous traitement HTA et mal de tête… contractions bizarres… je pense qu’elle
va me renvoyer chez moi mais je veux une sécurité pour BB face à mon
hypertension… »
§ Plus de place en salle d’accueil.. elle m’installe en
salle de naissance… la gygy de garde passe et ne comprend plus rien… pourquoi
on m’installe là ? Elle laisse faire la sage-femme…
§ Analyses d’urines… RAS…
§ Monitoring… contractions moyennes, régulières… on
attend… mon mari est là, on discute… je suis désolée de les déranger alors
qu’il y a déjà du monde et que certaines femmes ont très certainement plus
besoin que moi des sages-femmes de garde de ce week-end…
§ Etude de la trace de liquide que j’avais
siganlée : pas de liquide amniotique… donc poche OK
15h30… je grelotte… je
ne peux plus me contrôler… je crève de froid… mon corps semble ne plus m’obéir…
dans la salle de naissance, il fait 24°… l’élève sage-femme qui vérifie mon
monitoring, me propose une couverture… j’accepte avec plaisir… Ouf ! un
peu de chaleur, ça fait du bien
15h40- la sage femme de
garde passe me voir et me découvre sous la couverture. Elle s’arrête et dit
« si vous avez froid, c’est que vous avez chaud ». J’ai l’impression
d’être à 50 milliards de kms et de ne rien comprendre à rien… Elle traduit ce
qu’elle vient de me dire à sa stagiaire : « si qqn a froid et
grelotte ici, c’est qu’il a trop chaud, donc température »
§ prise de température : 39.1°… Pouah ! mais
c’est quoi ce délire ?
§ La sage-femme me demande si j’ai d’autres symptômes
anormaux… elle sort voir la gygy de garde… nous restons avec mon mari… j’ai
l’impression de ne pas pouvoir me contrôler : je tremble de partout, j’ai
froid, j’ai les dents qui claquent… c’est désagréable… mais je ne me sens pas
mal ni malade… toujours qq contractions mais allongée sur le côté gauche, je
les sens moins et de moins en moins souvent.
§ Alerte monitoring : le rythme de BB passe de plus
en plus souvent au-dessus de 180 et n’en descend plus… les sages-femmes passent
à chaque alerte. A chaque fois, un petit mot gentil : elles ne peuvent pas
enlever l’alarme mais pas de panique, c’est juste un signal
§ La gygy passe, elle prend le temps de lire le
monitoring… elle note son passage dessus…
16h- La sage femme
revient et me dit qu’on va me déclencher car elles étaient prêtes à me laisser
rentrer à la maison avec un début de travail mais là, hors de question, pas
avec 39° de fièvre ! Elle m’explique que pour l’accouchement, je vais
avoir des perfusions d’antibio… je le prends à la rigolade en lui expliquant
que de toutes façons quitte à avoir une perf pour le strepto B autant qu’elle
serve aussi aux médicaments… Elle sourit.
En attendant de me déclencher
en perçant la poche des eaux car col ouvert à 2 doigts, elles vont me faire
refaire une analyse d’urines + analyses de sang pour déterminer ce que je suis
en train de faire : état grippal ? maladie autre ? infection
urinaire ? … donc on me prélève qq tubes de sang, on me débranche du
monito et direction les toilettes pour la 2è analyse d’urines depuis mon
arrivée… Ouf, je peux bouger un peu, ça fait du bien.
16h15- Maintenant que
nous avons la confirmation du déclenchement de l’accouchement, mon mari part
transférer Margaux de chez ses parents (qui travaillent ce soir) à chez des
amis qui ont des enfants pour passer la nuit…
18h- La sage femme
s’installe au bord de la table d’accouchement. Elle me parle beaucoup pendant
l’examen du col… elle me fait mal pourtant elle continue de me parler… je sens
qu’elle veut que je me concentre sur autre chose que ce qu’elle est en train de
me faire et sur ce que je ressens… elle me parle de mon boulot… pourtant qu’est
ce que je peux m’en foutre à ce moment-là de mon boulot ! des difficultés
de réaliser des plannings et de satisfaire des gens d’une même entreprise… je
gémis… elle prend le temps de m’expliquer qu’elle sait que ce qu’elle est en
train de me faire n’est pas drôle, mais qu’elle y est obligée pour BB et pour
moi… un moment interminable… enfin, je sens un liquide chaud s’écouler… j’ai
beau avoir le réflexe de contracter ma vessie… il continue de couler… je
percute : ça y est, la poche des eaux est percée. Maintenant, je commence à me
parler dans ma tête : il va falloir aller au bout. Je verrai mon fils dans
peu de temps… Plus moyen de faire machine arrière…
Les contractions vont
maintenant s’accélérer… en intensité et en rapidité…
18h15- L’anesthésiste
rentre dans ma salle, il parle à la SF, lui explique que la femme de la salle à
côté de la mienne n’a plus besoin de lui… lui demande s’il doit rester pour
d’autres ?, Non, il peut partir en chirurgie puisque mon cas interdit l’anesthésie.
Ça y est, c’est définitif, les mots sont lâchés : il faudra que j’aille au
bout, affronter ce moment que je redoutai : accoucher sans péridurale…
18h30- changement de
garde. La SF qui me suivait, Eliane, vient de finir son service. Elle passe me
présenter la SF de la garde : Mélanie. A la fin de la contraction en
cours… mon esprit se mobilise : on se connaît, c’est la SF qui a
diagnostiqué mon hémorragie suite à la naissance de Margaux et qui a participé
à ma révision utérine de l’époque…
Mélanie est une
ancienne élève de ma tante à l’école de SF… elle explique à Eliane et je
découvre qu’elles connaissent toutes ma tante … on parle qq mns… j’en profite
pour me détendre… malgré les contractions qui s’accentuent…
19h- 1er
examen par Mélanie. Malgré les
contractions, mon col ne bouge pas vite… toujours 2 doigts… je me demande
combien de temps cela va prendre…
21h- Les contractions
deviennent pour certaines difficiles… Je me concentre au maximum sur ma
respiration… j’oublie l’environnement… Mélanie me propose le masque à protoxyde
d’azote. Les 1ères inspirations sentent le caoutchouc… c’est normal… elle
m’explique que ce masque m’aidera mais pas sur les toutes 1ères contractions…
il faut un peu de temps pour laisser agir…
Une nouvelle contraction…
je ne veux même plus regarder le monito… je ne veux plus savoir à combien elles
montent… j’ai mal puis la douleur s’évacue…
Mélanie demande à mon
mari s’il a pris le temps de dîner… elle pense que oui et surprise… il n’y est
pas encore allé. Elle lui explique que d’une part, il risque la crise
d’hypoglycémie et qu’elle préfère n’avoir à s’occuper que de moi MDR, d’autre
part, s’il veut assister à la naissance de son fils… c’est mieux qu’il prenne
un moment pour lui maintenant…
21h30- Mon mari est
parti. J’ai un pincement au cœur… je n’ai pas envie de me retrouver seule en ce
moment. Mélanie fait le tour des différentes salles de naissance…
J’oublie le temps… je
gère contraction après contraction… une chose après l’autre… le masque…
Chaque nouvelle contraction
semble arrêter le temps… mais quand est-ce que ça va finir ? J’alterne
côté gauche… puis à nouveau le dos… puis à nouveau côté gauche…
22h15- Mélanie
m’explique qu’elle attend la prochaine contraction pour m’examiner… pour voir
comment évolue le travail… 4cm… Ouf, c’est déjà ça de gagné !
J’ai hâte mais en même
temps tellement peur de ne pas y arriver : je le dis à Mélanie qui
m’explique que les contractions que je ressens en ce moment, n’augmenteront
plus en intensité mais vont se rapprocher. Que c’est cela que je dois
m’apprêter à gérer maintenant. Son discours me rassure un peu… je m’accroche à
ses paroles douces. Je dois garder mon calme au maximum… rester concentrée pour
que tout aille bien…
22h30- j’ai envie de
pousser… bizarre… ça ne fait pas si longtemps, si ? J’appelle Mélanie, je
lui explique… Nouvel examen : 7cm ! Même si ça m’arrange que les
choses s’accélèrent, je me demande bien à quelle vitesse tout cela se
précipite…
A chaque contraction,
je m’oblige à capter le regard de Mélanie pour ne pas perdre le fil.. ça va
vite… un peu trop vite pour moi… je voudrais figer le temps quelques instants
pour obtenir un répit… un peu de calme… me détendre…
Coup de sonnette de
l’entrée de garde… je n’entend pas ce qui se passe, je gère les contractions
seule et le temps me paraît interminable… Je n’aime plus du tout être seule à
ce moment-là !
En fait, c’est mon mari
qui revient… Dans le couloir, Mélanie lui explique où en sont les choses et que
je gère les contractions « comme une chef »… surtout pour quelqu’un
qui ne s’était pas vraiment préparé à accoucher sans anesthésie… (ça, je ne l’entendrai qu’une fois mon fils né car à ce moment-là, je
n’entendais plus grand-chose : focalisée sur ma respiration et ma hantise
de me laisser déborder par le stress et la peur qui rode…
22h45- Mélanie ne
quitte plus la salle. Elle demande à mon mari de gérer le masque pour moi car
je commence à demander de plus en plus souvent à pousser… Nouvel examen :
9cm !
Je sais que c’est
bientôt fini ! Je ne veux qu’une chose : que ça s’arrête, que l’on me
dise que mon fils va bien et que tout est fini !!! Je suis fatiguée… je
veux respirer à mon rythme…
Feu vert : je peux pousser ! Je ne me pose pas de question, j’ai tellement
besoin de pousser, BB appuie tellement fort qu’il faut que je le fasse sortir.
J’attrape les sangles à côté des étriers et… 1ère poussée… en apnée…
je sens BB à la sortie mais je suis incapable de l’aider plus. J’inspire… à
nouveau cette sensation de poussée… j’inspire profondément… je pousse en expirant
à fond… ça me brûle… je craque et je demande pourquoi ça me brûle autant…
Mélanie m’explique que la tête de BB est là mais que pour son épaule, il faut
que je l’aide encore 1 ou 2 fois… … j’ai mal… pourtant je rassemble le courage
qui me reste, je me parle, je sais au fond de moi que dans qq minutes, j’aurai
oublié cette douleur. Je m’accroche à
cette idée !!!
23h02- 1er cri d’Armand ! Mélanie me propose de l’attraper. Je plonge mes
mains en avant : mon cœur se réchauffe : je le tiens… il est là dans
mes mains… je le pose sur mon ventre… je le sens… c’est fini… je respire… je
pleure… je regarde mon mari dont je sentais la chaleur de la main dans la
mienne tout au long de ces poussées… Il est blême mais il me sourit ! Je
prend conscience petit à petit qu’il est vraiment blanc.. je lui demande si ça
va… il me répond que oui mais qu’il a mal pour moi… j’éclate de rire… tout le
monde semble se détendre.
Oui, je l’ai fait ! Armand est bien là sur moi, je sens ce petit
être se blottir contre moi… chercher la chaleur… je pense à Margaux…
5 petites mn plus tard, la réalité me rattrape. J’ai tellement peur
d’une nouvelle révision utérine car cette fois-ci je n’ai aucune anesthésie…
comment cela va-t-il se passer ?
Le placenta va sortit tout seul ou est-ce qu’il faudra aller le
chercher ? Ma mauvaise expérience de BB1 ressurgit… Je demande où on en
est. Mélanie m’explique qu’elle se rappelle TB de ce qui s’est passé en
décembre 2004 après la naissance de Margaux… elle me demande de pousser à
nouveau mais plus doucement que pour Armand… elle m’explique petit à petit ce
qui se passe. Je sens bien qu’elle veut me rassurer : oui, le placenta est
décollé… oui, il est en train de sortir… elle prend le temps de l’examiner… il
est entier ! Ouf ! je respire !